lundi 18 mai 2015

Évolution de l'article « Templier » dans le Dictionnaire de l'Académie française (1694-1935)

De 1694 à 1935, la définition du nom « Templier » dans le Dictionnaire de l’Académie française a subi plusieurs évolutions/modifications significatives, qu’il convient de souligner ici. Afin de faciliter la lecture des articles, les textes ont été systématiquement modernisés.


Première édition (1694)

« TEMPLIER. Substantif masculin. C'était autrefois un chevalier d'un ordre militaire et religieux, institué dans l'onzième siècle pour conduire et défendre contre les Infidèles les pèlerins qui allaient visiter la Terre sainte. On les appela Templiers parce que la première habitation qu'ils eurent était proche du temple de Jérusalem et qu’ils en avaient la garde. On appelait aussi temples les lieux de leur demeure dans les autres villes. Et on appelle encore à Paris Le Temple le lieu où ils demeuraient autrefois. L’ordre des Templiers a été aboli.
« On dit proverbialement boire comme un templier pour dire boire beaucoup, boire avec excès. »

Texte modernisé par l’auteur, tiré de : Le Dictionnaire de l'Académie française dédié au roi, première édition, t. II, Paris, chez la veuve de Jean-Baptiste Coignard, imprimeur ordinaire du roi et de l’Académie française, et chez Jean-Baptiste Coignard, imprimeur ordinaire du roi et de l’Académie française, 1694, p. 535 (lien sur Gallica.bnf.fr).

Dès sa première édition, le Dictionnaire caractérise avec justesse le Temple comme un « ordre religieux et militaire », évitant le raccourci fâcheux d'ordre de « moines soldats ». Bien que tous les templiers ne soient pas chevaliers (n'oublions pas les sergents et les chapelains) et que la date de création ne soit pas conforme aux connaissances actuelles (apparition de la milice vers 1120), les rédacteurs analysent correctement l'origine du nom. Les proto-templiers reçoivent en effet pour premier logement la mosquée al-Aqsa, située sur l'esplanade du Temple à Jérusalem. En revanche, rien ne confirme que l'ordre se voit confier la garde exclusive de l'esplanade du Temple...
Notons également que si les premiers templiers se donnent pour mission l'escorte des pèlerins, l'ordre ne se limitera pas à cette seule fonction et jouera le rôle de force militaire permanente dédiée à la défense de la Terre sainte.
Au-delà, il est juste qu'au niveau local, les commanderies étaient souvent désignées comme « temples » et que l'ordre a bien été aboli (en 1312).
Détectée la première fois chez Rabelais, l'expression « boire comme un templier » gagne ici ses lettres de noblesse, malgré son caractère folklorique... 


Deuxième édition (1718)

« TEMPLIER. Substantif masculin. On appelle Templiers les chevaliers d'un certain ordre militaire et religieux, institué dans l’onzième siècle pour défendre contre les Infidèles les pèlerins qui allaient visiter la Terre sainte. Ils eurent ce nom parce que la première habitation qu'ils eurent était proche du temple de Jérusalem et qu’ils en avaient la garde. L’ordre des Templiers a été aboli.
« On dit proverbialement boire comme un templier pour dire boire beaucoup, boire avec excès. »

Nouveau dictionnaire de l'Académie française dédié au roi, t. II, Paris, chez Jean-Baptiste Coignard, imprimeur ordinaire du roi et de l’Académie française, 1718, p. 670 (lien sur Gallica.bnf.fr).

Peu d'évolution à signaler depuis l'édition précédente, si ce n'est la disparition des mentions relatives aux commanderies. Le temple, compris comme résidence des frères de l'ordre, sera désormais abordé dans l'article homonyme. Les templiers y perdent également la fonction de « conduite » des pèlerins pour ne conserver que celle de leur défense. 


Troisième édition (1740)

Article identique à la version de 1718, hormis le début de la deuxième phrase : « Ils eurent ce nom [...] », qui devient ici : « On leur donna ce nom [...] ».

Texte modernisé par l’auteur, tiré de : Dictionnaire de l'Académie française, troisième  édition, t. II, Paris, chez Jean-Baptiste Coignard, imprimeur du roi et de l’Académie française, 1740, p. 747 (lien sur Gallica.bnf.fr).


Quatrième édition (1762)

« TEMPLIER. Substantif masculin. On appelle Templiers les chevaliers d'un certain ordre militaire et religieux, institué au commencement du douzième siècle pour défendre contre les Infidèles les pèlerins qui allaient visiter la Terre sainte. On leur donna ce nom parce que la première habitation qu'ils eurent était proche du Temple de Jérusalem et qu'ils en avaient la garde. L’ordre des Templiers a été aboli par Clément V sous Philippe le Bel.
« On dit proverbialement boire comme un templier pour dire boire beaucoup, boire avec excès. »

Texte modernisé par l’auteur, tiré de : Dictionnaire de l'Académie française, quatrième édition, t. II, Paris, chez la veuve de Bernard Brunet, 1762, p. 809 (lien sur Gallica.bnf.fr).

Cette édition marque un tournant, car elle corrige un point fondamental en situant correctement la fondation de l'ordre, dans les premiers temps du XIIe siècle, preuve d'une évolution de l'historiographie sur le sujet. Les historiens s'accordent sur le fait que l'embryon du futur ordre – une milice composée alors de membres qu'on qualifiera de proto-templiers , a probablement été approuvé par le patriarche de Jérusalem en janvier 1120, durant le concile de Naplouse. Mais le Temple ne fut reconnu comme ordre religieux par l'Eglise qu'en 1129, durant le concile de Troyes.
Autre point d'importance : la précision de l'abolition par le pape Clément V, sous le règne de Philippe le Bel.


Cinquième édition (1798)

Article identique à la version de 1762, hormis le terme « certain » qui disparaît de la première phrase, qui devient : « On appelle Templiers les chevaliers d'un ordre militaire et religieux [...]. » Également, la mention « sous Philippe le Bel » devient ici : « [...] sous le règne de Philippe le Bel. »


Texte modernisé par l’auteur, tiré de : Dictionnaire de l'Académie française, revu, corrigé et augmenté par l’Académie elle-même, cinquième édition, t. II, Paris, chez J. J. Smits et Cie, 1798, p. 638 (lien sur Gallica.bnf.fr).


Sixième édition (1832-1835)

« TEMPLIER. Substantif masculin. Nom des chevaliers d'un ordre militaire et religieux institué au commencement du XIIe siècle pour défendre contre les infidèles les pèlerins qui allaient visiter la Terre sainte. La première habitation des templiers était près du temple de Jérusalem, dont ils avaient la garde. L'ordre des Templiers fut aboli par Clément V, pendant le règne de Philippe le Bel.
« Proverbialement, boire comme un templier, boire beaucoup, boire avec excès. »

Texte modernisé par l’auteur, tiré de : Dictionnaire de l'Académie française, sixième édition, t. II, Paris, imprimerie et librairie de Firmin Didot frères, 1835, p. 638 (lien sur Gallica.bnf.fr).


Septième édition (1878)

Article identique à la version de 1835.

Référence : Dictionnaire de l'Académie française, septième édition, t. II, Paris, librairie de Firmin Didot, 1878, p. 827 (lien sur Gallica.bnf.fr).


Huitième édition (1932-1935)

« TEMPLIER. Nom masculin. Chevalier d'un ordre religieux militaire, institué au commencement du XIIe siècle, pour défendre contre les infidèles le royaume de Jérusalem. Le siège originaire des templiers était près du temple de Jérusalem, dont ils avaient la garde. L'ordre des Templiers fut aboli par Clément V, pendant le règne de Philippe le Bel.
« Boire comme un templier, boire beaucoup, boire avec excès. »

Référence : Dictionnaire de l'Académie française, huitième édition, t. II, Paris, Librairie Hachette, 1935, p. 644 (lien sur portail.atilf.fr).

Si la définition n'a pas fondamentalement évolué dans les éditions cinq à sept, cette huitième édition précise un point clé : les templiers ont été créés pour défendre le royaume de Jérusalem (comprendre plutôt « la Terre sainte »).